Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/95

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vrai rubis brille à côté du faux diamant, comme une goutte de sang pur mise en balance avec un argent impur ; où les réticences inexplicables peuvent aussi bien envelopper d’ombre la pudeur d’une vie qui se sacrifie, que l’impudeur d’une lâcheté qui se fait récompenser, — voire même le double jeu d’un double sacrifice et d’une double trahison, livrant quelques complices dans l’espoir de perdre tous leurs bourreaux, en se perdant soi même, — rien ne saurait demeurer absolument superficiel, quoique rien non plus ne soit exempt d’un vernis artificiel. Là donc, où la conversation est un art exercé au plus haut degré et qui absorbe une énorme partie du temps de tout le monde, il y en a peu qui ne laissent à chacun le soin de discerner dans les propos joyeux ou chagrins qu’il entend débiter, ce qu’en pense vraiment le personnage qui, en moins d’une minute, passe du rire à la douleur, en rendant la sincérité également difficile à reconnaître dans l’un et dans l’autre.

Au milieu de ces fuyantes habitudes d’esprit, les idées, comme les bancs de sable mouvans de certaines mers, sont rarement retrouvées au point où on les a quittées. Cela seul suffirait à donner un relief particulier aux causeries les plus insignifiantes, comme nous l’ont appris quelques hommes de cette nation qui ont fait admirer à la société parisienne leur merveilleux talent d’escrime en paradoxe, auquel tout polonais est plus ou moins habile selon qu’il a plus ou moins intérêt ou amusement à le cultiver. Mais celle inimitable verve