Page:Liszt - Lohengrin et Tannhäuser, 1851.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167

employées qu’avec sobriété et bon goût. Son exécution réclame une extrême précision, une entente délicate des nuances, ainsi qu’un orchestre exercé et docile, que la moindre inclinaison de la baguette du directeur accélère ou ralentit, affaiblit ou renforce, l’inspiration planant constammant sur la masse des sons, comme les souffles de l’air sur les grandes eaux, tantôt ridant à peine leurs surfaces par d’imperceptibles tressaillemens, tantôt soulevant la fureur des flots qui mugissent par les mille bouches de leurs crêtes irritées.

« Que de notes ! » disait l’Empereur Joseph II à Mozart, à la première audition d’un de ses opéras. Que de notes ! pourrait-on s’écrier encore en écoutant celui-ci. Mais comme Mozart, Wagner aurait le droit de répondre : « Pas une de trop ! » car il ne permet pas un seul instant au spectateur ému ou au musicien attentif, d’être refroidi ou lassé. Toutefois, cet ouvrage est d’un caractère si élevé qu’il demande un auditoire choisi, capable d’apprécier les sérieuses beautés de l’art, et habitué à y donner l’attention qu’elles exigent. Lorsqu’elle sera plus connue on disséquera le squelette de cette belle œuvre, et on ne manquera point d’en compter toutes les articulations. Peut-être même trouvera-t-elle quelque opposition à vaincre, avant d’être irrévocablement adoptée. On ne saurait se dissimuler que son style si décla-