Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/141

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veux parler de ce qu’il a plu à quelques-uns d’appeler ma rivalité avec M. Thalberg[1].

Vous savez que lorsque je quittai Genève, au commencement de l’hiver dernier, je ne connaissais point M. Thalberg ; sa célébrité même n’avait que bien faiblement retenti jusqu’à nous ; les échos de Faulhorn et du Saint-Gothard ont bien autre chose à faire vraiment qu’à répéter nos pauvres petits noms d’un jour ou qui semblent avoir retenu les premières paroles de la création ! À mon arrivée à Paris, il n’était question dans le monde musical que d’un pianiste tel que l’on n’en avait jamais ouï, qui devait être le régénérateur de l’art, et tout à la fois, comme exécutant et comme compositeur, ouvrait une voie nouvelle où nous devions tous nous efforcer de le suivre.

Vous qui m’avez vu sans cesse prêter l’oreille au moindre bruit et voler de toutes mes sympathies au devant de chaque progrès, vous devez penser si mon âme tressaillait à l’espoir d’une grande et forte impulsion donnée à toute la génération de pianistes contemporains ; je n’étais mis en défiance que par une seule chose : c’était la promptitude avec laquelle les sectateurs du nouveau Messie oubliaient ou rejetaient ce qui l’avait précédé.

J’augurais moins bien, je l’avoue, des compositions de M. Thalberg, en les entendant vanter d’une manière aussi absolue par des gens qui sem-

  1. Sigismond Thalberg, pianiste compositeur (1812-1871).