Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/228

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surables. Les répétitions, choses éternellement nécessaires, bien qu’éternellement impossibles, achèvent de lui faire perdre la tête. Après quoi, voici venir le conseiller officieux, l’ami expert, qui l’assassine de considérations judicieuses sur la saison défavorable (il fait toujours trop froid ou trop chaud, trop sec ou trop humide, pour un donneur de concerts), et sur le choix de sa musique, fort respectable, du reste, mais qui pourra bien n’être pas du goût des indigènes. L’ami déplore amèrement les dispositions antimusicales de la localité. Il rappelle le passage de Paganini, qui n’a attiré qu’une élite peu nombreuse ; le concert de Mlle B., qui n’a pas fait ses frais, et conte tout d’une haleine cent autres lamentables histoires propres à jeter l’effroi et le découragement au cœur du pauvre artiste. En dernier lieu vient la question du prix des billets. Sans doute, si on l’établissait en raison des mérites du bénéficiaire, on ne saurait l’élever trop ; mais il faut bien s’accommoder aux circonstances : la bourgeoisie est économe ; la noblesse, avare ; les bourses sont épuisées par des quêtes pour les incendiés et les inondés. À chaque nouveau considérant, l’artiste baisse d’un franc ses prétentions.

C’est un concert au rabais qu’il va donner. Aux émollientes paroles de l’ami, il voit fondre ses espérances comme la neige d’hiver aux tièdes brises d’avril. Alors on lui déploie la liste de tous les gens du pays qui, de temps immémorial, ont droit à des