Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/246

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bienfaisante qui m’attire, pourquoi m’abandonne-t-elle aux angoisses du doute, aux déchirements d’une espérance toujours vivace et toujours trompée ?

« Adieu. — Ne cherche point à savoir, ton lot est l’ignorance. Ne cherche pas à pouvoir ; ton lot est l’impuissance. Ne cherche pas à jouir ; ton lot est l’abstinence. »

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Une secousse pareille à un choc électrique me fit revenir à moi. Je descendais les degrés de l’hôtel Samoïloff ; la fête était terminée ; quelques couples des danseurs les plus intrépides se hâtaient de regagner leur voiture.

« Eh bien, Liszt, dit en passant près de moi la jeune marquise G… qu’avez-vous donc à nous regarder ainsi ? ne voulez-vous pas nous dire bonsoir ? » « Laissez-le, dit le duc de C… qui l’accompagnait, vous voyez qu’il ne nous reconnaît seulement pas. Le démon de l’inspiration le tient ; il m’a tout l’air de composer en ce moment un Requiem, qui ne pourra manquer d’être fort agréable ; je gage que ce matin il arrive à Como, très persuadé qu’il est toujours dans la rue qui mène à la Bella Venezia. »

En rentrant chez moi je m’assis au piano ; le chant du Wanderer[1] me revint à la mémoire ; ce chant si triste, si poétique me frappa plus qu’il

  1. Le Voyageur, mélodie de Schubert.