Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/270

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son œil est inondé de clarté, son oreille d’harmonie ; les nuées s’entr’ouvrent, les chœurs des anges lui apparaissent, l’éternel hosannah retentit dans l’immensité, les yeux de la vierge se lèvent vers le ciel ; son attitude exprime l’extase, ses bras retombent alanguis à ses côtés, ils vont laisser échapper l’instrument sur lequel elle chante les sacrés cantiques. On sent que son âme n’est plus sur la terre ; son beau corps semble prêt à se transfigurer…

Dites, n’eussiez-vous pas vu ainsi que moi dans cette noble figure le symbole de la musique à son plus haut degré de puissance ? l’art dans ce qu’il a de plus immatériel, de plus divin ? Cette vierge enlevée à la réalité par l’extase, n’est-ce pas l’inspiration telle qu’elle arrive parfois au cœur de l’artiste, pure, vraie, révélatrice et dégagée de tout alliage grossier ? Ses yeux fixés sur la vision, l’inénarrable volupté répandue sur tous ses traits, l’alanguissement de ses bras qui plient sous le poids d’une béatitude inconnue, n’est-ce pas l’expression de l’impuissance humaine en lutte avec le désir et la plénitude de sa participation aux mystères infinis, alors qu’il sent et comprend qu’il ne pourra rien rapporter aux hommes du banquet céleste auquel il a été convié ?

À la droite de sainte Cécile, le regard tourné vers elle avec une chaste tendresse, Raphaël a placé saint Jean ; saint Jean le disciple que Jésus aimait, celui auquel en mourant il confia sa mère, celui qui en reposant sa tête sur la poitrine du maître, y