Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/108

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bien folle de tuer ma teste pour l’esbat de voz denrées, puisque autrement ne peut estre. Maiz, je vous prie, mon seigneur, que au mains vous ne m’en faciez point pire chière, et que je ne perde vostre amour ne vostre bon semblant ; car du seurplus je me deporteray bien et en soufreray bien tout ce qu’il vous en plaira commander. » Et aucunes fois, par ces doulces parolles, le cuer lui en pitéoit et s’en gardoit une grant pièce. Et ainsi toute sa vie, par grant obéissance et par grant courtoisie le vainquoit ; car par autre voie jamaiz ne l’eust vaincu, et tant que au derreninier il s’en repentist et se chastia.

Cy a bon exemple comment, par courtoisie et par obéisssance, l’on puet mieulx chastier et desvoyer son seigneur de celluy faict que par rudesse. Car il en est le plus de telz couraiges que, quant elles leur courent sus, ilz se appunaisissent et en font pis. Pour tant, à droit regarder, ne doit pas savoir le mary trop mal gré à sa femme se elle est jalouse de luy. Car li saige dit que la jalousie est grant aspresse d’amour, et je pense que il die voir ; car il ne me chauldroit se aucun, qui riens ne me seroit ne que jà cause n’auroye d’amer, se il faisoit bien ou mal ; maiz de mon prouchain, ou de mon amy, je en auroye doulour et dueil au cuer se il avoit fait aucun grant mal ; et pour ce jalousie n’est point sans grant amour. Maiz il en est de deux manières, dont l’une est pire que l’autre ; car il n’en est aucune où il n’a nulle bonne raison, et que il vault trop mieux s’en souffrir pour lur honneur et pour leur estat. Et aussi l’omme ne doit pas trop mal gré savoir à sa femme se elle est un pou jalouse de luy ; car elle monstre comment le