Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cuer lui duelt. Ainsi comme elle a grant paour que aultre ait l’amour qu’elle doit avoir de son droict, selon Dieu et saincte Eglisse. Maiz la plus saige en fait le mains de semblant, et se doit reffraindre bel et courtoisement et couvertement porter son mal, et tout ainsi doit faire l’omme, et soy refraindre saigement au moins de samblant que il pourra ; car c’est grant sens qui s’en peut garder.

Maiz toutesfoiz la femme qui voit que son seigneur est un petit jalous d’elle, se il s’apparçoyt d’aucunes follies plaisantes qui ne lui plaisent pas, la bonne femme le doit porter saigement sanz en faire semblant devant nul. Sy elle luy en parle par nulle voye, elle le doit dire à eulx deulx le plus doulcement que elle pourra, en disant qu’elle scet bien que la grant amour qu’il a avecques elle lui fait avoir paour et doubte qu’elle tourne s’amour ailleurs et lui dire qu’il n’en ait jà paour, car, se Dieu plaist, elle gardera l’onneur de eulx deulx. Et ainsi, par belles et doulces parolles, le doit desmouvoir et oster de sa folle merencolie ; car, se elle le prent par yre ne par haultes paroles, elle alumera le feu et luy fera encores penser pis et avoir plus grant doubte que devant. Car plusieurs femmes sont plus fières en leurs mensçonges que en parolles de vérité, et pour ce maintes foiz font plus de doubte. Et aussy vous dis-je que la bonne damme, combien que elle ait un pou de riote et d’ennuy, elle n’en doit pas moins avoir chier son seigneur pour un pou de jalousie, car elle doit penser que c’est la très grant amour qu’il a à elle, et comment il a grant doubte et grant soussy en son cuer que autre ait l’amour que il doit avoir de son droit, selon l’Église et