Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/120

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Chappitre XXIIe
Comment il fait perilleux estriver à gens sçavans du siècle, et parle de la dame qui print tensson au mareschal de Clermont


Belles filles, je vous diray un exemple comment il fait périlleux parler ne tenir estrif à gens qui ont le siècle à main et ont manière et sens de parler. Car voulentiers l’en gaaingne pou à leur tenir estrif de bourdes ne de jangles, qui bien ne leur plaisent. Dont il advint à une grand feste, où il avoit moult de grans dames et seigneurs, et là fut le mareschal de Clermont, qui à merveilles avoit le siècle à main, comme de beau parler et beau maintient, et de sçavoir bien son estre entre tous chevaliers et dames. Si y avoit une grant dame qui lui dist devant tous : « Clermont, en bonne foy, vous devez grant guerredon à Dieu, car vous estes tenu pour bon chevalier et assez beau, et savez merveilles. Se feussiez assez parfaiz, se ne fust vostre jangle et vostre mauvaise langue qui par foiz ne se puet taire. — Or, ma dame, dist-il, est-ce donc la pire tache que j’aye ? — Je pense que ouil, dist-elle. — Or veons, dist-il, en ce fait : il me semble, à droit jugier, que je ne l’ay pas si pire comme vous avez, et vous diray pourquoy ; vous m’avez dit et reprouchié la pire tache que j’aye selon vostre advis, et, se je me tais de dire la pire