Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/217

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moult en dolent, comme celui qui vouloit baillier une de ses filles pour la garantir. Mès oncques n’en vouldrent riens faire, et, quant se vint au matin, celle qui se vit ainsi honnye et deshonnorée eust telle honte et tel dueil qu’elle mourut ès piés de son seigneur, dont le preudomme en deust mourir de dueil et de honte, et l’emporta toute morte a son hostel ; et se pensa, puis que morte estoit, que il la mettroit en xii. pièces avec certaines lettres et l’envoieroit à ses prouchains amis, affin qu’ilz en eussent vergoingne et que ilz en voulsissent prendre vengeance. Dont il avint que ses amis et les amis d’elle en eurent tel dueil et tel yre que ils se assemblèrent ensemble et vindrent à Gabal et occirent bien xxxiij mille personnes, que hommes que femmes. Sy fut prins pour ung tel fait telle vengence, et tel le compara qui n’en avoit que faire. Si a cy bon exemple comment femme ne doit point laissier ne guerpir son seigneur, pour yre ne pour courroux qu’ilz ayent ensemble, et comment saige femme doit entendre et souffrir bel et courtoisement le courroux de son seigneur et le laissier rappaisier, et le prendre par bel, non pas le laissier comme fist ceste damoiselle, qui laissa son seigneur, et convint qu’il la vensist querre chiez son père, par laquelle alée elle morut piteusement et en vint tant de inaulx et de douleur, comme tant de pueple en estre mort. Car, se elle ne se fust bougée d’avecques son seigneur, jà celluy mal ne fust advenu, et pour ce est-il bon de adoulcir son cuer, et c’est le droit de saige femme qui vieult vivre paisiblement et amoureusement en la paix de son seigneur.