Page:Londres - Au bagne.djvu/132

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action romanesque n’ont pas été forçats. On vous racontera de superbes histoires qui sont vraies. Il y eut ce collègue, mon ami, qui se fit clouer dans une caisse à destination d’un autre « frère de la côte » à Demerara. On lisait sur la caisse : « Plante rare. Prière d’éloigner des chaudières et d’arroser souvent. »

Nous n’avons pas davantage oublié cet homme qu’on emporta pour mort, un couteau dans l’épaule à l’amphithéâtre de Royale. Le lendemain, on ne le retrouva plus. Ni la table d’opération ; il s’en était servi pour radeau. Des gens d’hôpitaux sont partis, au fil de l’eau, dans des cercueils. Et l’évasion des canotiers de la chaloupe Mélinon ! C’était la plus jolie de l’administration. Elle effectuait son premier voyage. Il était cinq heures du soir, heure de la promenade chic sur le quai de Saint-Laurent-du-Maroni. Le directeur était là. Tout ce beau monde admirait la nouvelle acquisition. Les forçats touchèrent le débarcadère et, soudain, repoussèrent la chaloupe. On crut d’abord qu’ils manœuvraient. Ils prenaient le large ! « Mais que font-ils ? » demandait le directeur. La chaloupe siffla : « Pou ! pou ! pou ! » Le directeur criait : « Arrêtez ! » Nos amis inclinèrent par trois fois le pavillon — salut réglementaire. On ne les revit jamais.

Mais l’évasion ordinaire, la vraie ! C’est un exploit que les connaisseurs qualifieraient d’héroïque si le but était autre. De la « grande terre », on