Page:Londres - Au bagne.djvu/133

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tombe dans la brousse. On est sans vivres, sans vêtement. On a tout calculé, mais rien prévu. On sait par exemple, que, dans la brousse, on tourne toujours à gauche. Pourquoi ? C’est un fait. Mais c’est tout ce qu’on sait. Onze jours, une fois, je suis resté dans les bois. Les singes rouges étaient mes compagnons. Je me battais avec eux pour voler leur nourriture. Toute la nuit, ils criaient lugubrement. Las des marécages, je montais, parfois aussi, dans les arbres. Quand le sommeil me terrassait, je rêvais que les singes m’emportaient. Et puis, il y a le grage, serpent qui donne la mort, et tous ceux que l’on vient troubler dans leur royaume : tamanoirs, pumas, caïmans. Enfin, un jour, on aperçoit un pomakari (toit d’un canot de nègres bosch). Et alors, quand on a la chance et une volonté d’acier, après encore un mois de vie de chien sauvage, alors, alors, on est tour à tour scieur de long à Paramaribo, cireur de bottes à Demerara, barman à Panama, tenancier de tripot à Colon, chercheur d’or un peu partout. Au Mexique, on s’engage dans les bandes de Francisco Madero contre Francisco Diaz. Cela dure un mois. Et l’on s’engage ensuite chez Francisco Diaz contre Francisco Madero. De bagnard, on s’élève au rang de pirate. On est aussi négociant. Je fus marchand de glaces ambulant à Bogota. Dans cette même Colombie, j’ai tâté des mines d’émeraude. Vos compagnons sont des assassins, des étrangleurs, des faussaires. Un homme intelligent ne fait pas le