Page:Londres - Au bagne.djvu/145

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bitume, ils sèchent les plaies de leurs pieds avec la cendre de leur dernière cigarette.

7o À cinq heures du matin, on les réveille à coups de bottes : place aux légumes !


LA VILLE ÉTRANGE


On se sent bouleversé à Saint-Laurent-du-Maroni. La face de la vie est changée. N’aurait-on pas quitté la terre pour une planète aux mœurs inédites ? Ces hommes en camisole blanche, au long numéro noir sur le cœur, ces civils hagards et égarés, ces mots ordinaires que l’on entend : « C’est honteux ! » « Il faut pourtant que je vole ce soir, j’ai faim ! » « Si j’étrangle un homme dans la rue, j’aurai un complet tout de suite et ma ration, je serai titulaire. Si je ne bouge pas, je resterai en loques et le ventre creux. Car je ne suis que forçat honoraire. » Et cet autre qui dit : « Ce qui serait une catastrophe pour un homme libre est pour nous un bonheur. Mon ami Alfred s’est cassé une jambe. Il est à l’hôpital. Il rit maintenant. Il a les reliefs de la table de MM. les docteurs. » Et cette histoire d’hier : Une famille fêtait un anniversaire. Il était onze heures du soir. Un phonographe asthmatique s’égosillait. Des libérés dormaient au pied de la maison.

— Eh, là-haut ! crièrent-ils. Finissez ! Vous empêchez de dormir les locataires du trottoir.