Page:Londres - Au bagne.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bagne ont passé par là. Ils ont les cheveux coupés en escalier et sont complètement nus. C’est le pays surprenant des Blancs sans vêtements. Ironique paradis terrestre, vos frères de peau viennent à vous, sur la route, comme Adam.

Ils partaient au travail, en rang, telle une compagnie, un Annamite, un nègre, quatre Arabes, tous les autres étaient des gens de France.

La pioche sur l’épaule, ils passaient, rien qu’en chair et en os, sous le lourd soleil.

Un surveillant, revolver à droite, carabine à gauche, suivait d’un pas pesant.

Ils allaient tout près, à cet abatis, dans la brousse. Dès qu’ils eurent quitté la route, ils s’enfoncèrent dans des terres noyées. Une glaise restait à leurs pieds comme d’épaisses savates.

Le silence était dans les rangs.

— Halte ! cria le surveillant.

L’arrêt fut immédiat.

Sortant de la vase, le surveillant se percha sur deux troncs couchés et prit sa carabine en mains.

Sur place, à l’endroit où le cri de halte ! les avait cloués, les hommes nus, à coups de pioche, attaquèrent le bois.

S’ils s’écartent de plus de dix mètres du chantier, ils savent ce qui les attend : le surveillant épaule et tire.

Ils n’en sont pas à un coup de fusil près. Le surveillant est bon chasseur d’hommes, mais… chaque semaine un Inco joue sa chance. Quand la balle