Page:Londres - Au bagne.djvu/16

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— Parce que le travail allait cesser et que les Hollandais nous auraient renvoyés à Saint-Laurent. Tant que les Hollandais ont besoin de nous, tout va bien. Ils nous gardent. Ils viennent même nous débaucher du bagne quand ils créent de nouvelles usines, nous envoyant des canots pour traverser le Maroni, nous donnant des avances. C’est qu’ils trouvent chez nous des ouvriers spécialistes et que ce n’est pas les nègres qui peuvent faire marcher leurs machines.

Mais, depuis quelques années, ils sont sans cœur. Dès qu’un homme est inutile, ils le livrent. C’est la faute de quelques-uns d’entre nous, qui ont assassiné chez eux, à Paramaribo. Les bons payent pour les mauvais.

— T’as raison, Tintin, dit un rouquin qui graissait les plaies de ses pieds.

— Alors… mais, s’avisa Tintin, à qui ai-je l’honneur de parler ?

— Je vais au bagne voir ce qui s’y passe, pour les journaux.

— Ah ! dit Tintin, moi j’étais typo avant de rouler dans la misère.

— Alors ?

— Alors, pour gagner la liberté, nous nous sommes cotisés, les onze. Nous avons acheté une barque et fabriqué les voiles avec de la toile à sac, et voilà treize jours…

— Quatorze ! fit un homme sans lever la tête posée dans ses mains.