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LE RÉCIT DE L’ÉVASION


À la fin de l’après-midi, comme il était six heures et que nous longions les côtes de Trinidad, quittant le pont supérieur, je descendis par l’échelle des troisièmes et, à travers la pouillerie ambulante des fonds de paquebots, je gagnai le bout du Biskra.

Les onze forçats étaient là, durement secoués par ce mélange de roulis et de tangage baptisé casserole.

— Eh bien ! leur dis-je, pas de veine !

— On recommencera !

Sur les onze, deux seulement présentaient des signes extérieurs d’intelligence. Les autres, quoique maigres, semblaient de lourds abrutis. Trois d’entre eux ayant découvert un morceau de graisse de bœuf s’en frottaient leurs pieds affreux répétant : « Ah ! ces vaches d’araignées crabes ! » Mais tous réveillaient en vous le sentiment de la pitié.

On aurait voulu qu’ils eussent réussi.

— D’où venez-vous ? De Cayenne ?

— Mais non ! de Marienbourg, en Guyane hollandaise.

Nous nous étions évadés du bagne depuis dix-huit mois. On travaillait chez les Hollandais. On gagnait bien sa vie…

— Alors pourquoi avez-vous pris la mer ?