Page:Londres - Au bagne.djvu/163

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reux qui n’a pas de placarde (emploi où il n’y a rien à faire) y laisse sa peau, et c’est tant pis, il n’avait qu’à la défendre. Ainsi moi, je suis travaux légers, je porte les morts au cimetière. Comment ai-je pu être travaux légers ? En volant. En volant, j’ai eu de l’argent, et, avec cet argent, j’ai acheté ma place de croque-mort. À qui ? À ceux qui les donnent, pardi ! Je veux dire à ceux qui les vendent ! Ici tout se vend. Tenez, parfois je plains le directeur et les grands chefs ! S’ils savaient !

— Moi, dit un grand, depuis quatre ans, j’ai volé, j’ai volé, j’ai volé comme jamais je n’aurais pu voler dans la belle vie libre. Je n’ai pas fait un stère et j’ai 3.000 francs à gauche. Eh bien, si je vous expliquais la chose, vous ne la croiriez pas !

— Écoutez, depuis un mois que j’interroge chez vous, vous me répondez tous : « Si on vous disait la vérité, vous ne la croiriez pas. » D’un autre côté, vous prétendez que l’administration me cachera tout. Comment voulez-vous que je me débrouille ?

— Voilà ! L’administration ne vous dira rien parce qu’elle y trouve son compte. Nous ne vous dirons rien non plus, parce que nous y trouvons le nôtre.

Malgré cela, je sais. Le ministre des Colonies sait aussi. Le gouverneur, le directeur, tous savent. Cela ne peut plus durer. Par notre laisser-aller nous avons fait du bagne une association brevetée de malandrins. Nous fermons les yeux sur des