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beaux jeunes hommes, aucun ne peut être comparé à Benjamin[1].

Joseph.

Enfin il est ici !

Putiphar.

Cela paraît vous faire plaisir.

Joseph.

Vous en saurez bientôt la cause.

Putiphar.

Ignorant le motif pour lequel vous vouliez les voir, ils ont pensé que c’était pour l’argent qu’ils avaient trouvé en leurs sacs, et ils ont voulu me le rendre. J’ai répondu que je ne pouvais pas le reprendre, et que vous les invitiez à manger à votre table : de quoi ils sont tout émerveillés.

Joseph.

Qu’on les fasse venir !

Putiphar.

Voilà qu’ils arrivent !

Joseph, à part.

Que peux-tu encore, Joseph, demander au ciel, qui a exaucé tous tes vœux ?… Je vais, pour la circonstance, monter sur le trône de Pharaon, mais sans orgueil, et seulement pour accomplir la volonté de Dieu ; car mon humilité s’abaisse à mesure que sa main m’élève.

Il s’assied sur le trône.


Entrent tous les Frères de Joseph.
Issacar, à genoux.

Généreux gouverneur de ce pays, les dix Hébreux de la vallée de Mambré, que tu vois humblement agenouillés au pied de ton trône, sont venus vers toi afin que tu reconnaisses qu’on t’a parlé avec vérité. — Ô monseigneur ! que n’as-tu été témoin de la douleur avec laquelle notre père nous a confié son dernier fils !… Maintenant que tu sais la vérité, nous te prions, en retour de cet enfant que nous t’avons promis, nous te prions de nous rendre notre bien-aimé frère qui est dans tes prisons.

Joseph, à part.

Ô mon cœur ! auras-tu assez de force pour résister à de si vives émotions ?… Ô mes yeux ! vous pouvez pleurer ; car ces sentiments d’amour, au lieu d’affaiblir l’âme de l’homme, la fortifient et la réjouissent. D’ailleurs cet enfant est si beau, que sa présence charme les yeux et le cœur. Si Rachel, ma mère, lui ressemblait, je ne m’étonne plus que mon père l’ait achetée par quatorze ans d’esclavage. — Descendons du trône.

  1. L’espagnol ajoute : « Car, dit-on, il se nomme ainsi parce qu’ils ne sont que l’ombre de son soleil. »