Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/103

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Voilà donc deux principes aux prises, et tous deux excellents. Le fondateur des frères de la doctrine chrétienne, long-temps avant que la philanthropie s’occupât avec un grand fracas de l’instruction du peuple, l’organisait sans bruit dans tout le monde chrétien, et pour mieux assurer son œuvre après lui, posait en principe la gratuité de l’enseignement. Ce principe, la loi l’a décomposé ; elle l’a admis pour les familles indigentes, mais elle n’a cru ni juste, ni convenable que les familles plus aisées s’accoutumassent à considérer l’instruction de leurs enfants comme un bien de nul prix, qui ne valait pas la peine d’être acheté par un léger sacrifice.

Si la loi doit être appliquée rigoureusement, si les frères n’entendent pas donner une interprétation plus raisonnable à leur principe, on peut dire que la loi a destitué de fait tous les frères des fonctions d’instituteur communal dans toute la France. Pour éviter ce conflit, voici les biais qu’ont imaginés les conseils municipaux de plusieurs villes.

— Des fonds suffisants seront votés pour l’école des frères : on n’y admettra que des enfants indigents. La gratuité se trouvait là respectée ; la loi de son côté n’était pas violée. Les frères ont refusé : « nous ne pouvons, disent-ils, fermer à personne l’entrée de nos écoles : la porte en est ouverte à l’enfant du riche, comme à l’enfant du pauvre. »

— Des fonds suffisants seront votés pour l’école des frères : ils ne percevront aucun droit des enfants reçus dans leur école : le conseil municipal se charge de la rétribution mensuelle qu’il percevra lui-même des familles non-indigentes, et à son profit. Les frères ont refusé. « Le principe de gratuité, disent-ils, ne consiste pas seulement dans l’avantage auquel nous renonçons pour nous-mêmes, il est aussi dans celui que nous