Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/33

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Il devient inutile de dire que, dans bien des villages, il est impossible de trouver un homme sachant lire, écrire et compter (45). Et quand un notaire est appelé pour signer un acte (46), il a soin d’arriver escorté de deux témoins perpétuels qu’il amène de la ville (47), parce qu’il sait bien qu’il chercherait en vain sur les lieux des citoyens français sachant signer leur nom. Mais, dira-t-on, il faut excepter de cette ignorance universelle le maire, au moins, de la commune, l’adjoint qui le supplée, les conseillers municipaux, dont le nom apposé au bas des procès-verbaux constate et sanctionne les délibérations de chaque séance. Les communes, en effet, sont souvent pour cela même dans un grand embarras, quand il s’agit du choix d’un maire ou d’un adjoint (48). Pour les conseillers municipaux, il est de règle que, dans certains pays, faute de pouvoir remplir cette condition, ils se tirent d’affaire à chaque procès-verbal par la formule suivante : ont déclaré ne pas savoir signer, un tel, un tel, un tel, etc. (49). Mais les maires eux-mêmes n’en savent pas toujours plus long (50) ; et il est tel canton de France où l’on n’en trouve pas plus de quatre qui même entendent le français (51).

Sans doute, il ne faudrait pas nous supposer l’intention d’étendre au-delà des limites raisonnables ces cas heureusement exceptionnels. Nul ne respecte plus que nous ces magistrats utiles, désintéressés, chargés de fonctions délicates et que la législation complique tous les jours ; mais les exemples que nous citons suffisent pour prouver combien l’ignorance règne encore en souveraine dans les campagnes, et le peu de fond qu’il faut faire sur le concours de certaines autorités pour stimuler le zèle des enfants et des familles, lorsqu’elles sont elles-mêmes incapables par leur éducation d’en apprécier et d’en faire valoir les avantages.

L’ignorance profonde du peuple n’est donc malheu-