Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en est de cette illusion comme de tant d’autres. C’est encore un reste de vie pastorale, comme l’innocence des mœurs champêtres, et le nœud de satin rose qu’au sortir du collége nos yeux cherchaient sur la houlette des bergères. Les personnes qui auront étudié ailleurs que dans les idylles de Gessner les habitudes de la campagne, conviendront peut-être avec nous que deux communes voisines sont presque toujours deux communes rivales, quand elles ne sont pas ennemies. Elles se touchent par tant de points qu’il est impossible que leurs intérêts respectifs ne se soient pas rencontrés et froissés plus d’une fois. Elles ont chacune leurs magistrats, leurs titres et leurs droits particuliers ; elles forment chacune une de ces trente mille républiques dont l’ensemble représente la France. Cette individualité qu’elles craignent toujours de voir absorber dans celle de leurs voisins, quand il s’agit de créer quelque institution en commun, engendre chez elle un point d’honneur dont le principe n’est peut-être qu’une jalousie déguisée, mais qui produit souvent des effets excellents. Grâce à ce patriotisme communal, souvent des dépenses qui paraissaient très-lourdes pour les deux communes réunies, chacune se saigne les quatre veines pour les faire avec ses seules ressources. L’idée d’une paroisse commune les humiliait : chacune aura son clocher, etc. Nous avons vu des communes menacées de payer un instituteur en commun, et prisant d’ailleurs fort peu l’instruction, se plaindre d’abord d’être obligées de payer 100 francs pour leur part du traitement fixe ; et, quand elles ont vu que leur résistance deviendrait inutile, finir par voter à elles seules les 200 francs et le logement, sauf à se venger en n’envoyant pas d’enfants à l’école. C’est ainsi qu’un amour-propre de mauvaise origine les inspire mieux quelquefois que tous les conseils de la raison (107).

Un autre obstacle plus sérieux, plus invincible peut-être, tient à la nature même des localités. Un admi-