Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/49

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son but dans les campagnes, car la routine seule suffit depuis long-temps pour y prohiber tout progrès de la langue Française.

Faut-il prendre en pitié le sort de ces milliers de Français qui ne savent pas le français ; pour qui l’article de la Charte qui déclare tous les Français accessibles aux emplois n’est pas une vérité ; qui peuvent servir huit ans sous les drapeaux, sans avoir l’espérance de devenir caporaux ; qui ne peuvent comprendre les lois de leur pays, l’arrêt qui les condamne dans un procès, les actes administratifs qui les régissent ; qui ne peuvent, à raison de la diversité des langues, sympathiser par aucun point avec le peuple dont ils sont réputés frères, pas plus qu’au jour où leur province fut réunie à la couronne de France ? Est-il temps en effet d’opérer véritablement cette réunion par l’uniformité du langage et des mœurs, et de ne plus distinguer des races gaéliques ou germaniques, ou ibériennes, mais de les fondre toutes dans l’unité nationale ? En ce cas, dût-on nous traiter de Vandale, nous sommes d’avis qu’on tranche au vif dans cette antique transmission des patois, et que chaque école soit une colonie de la langue française en pays conquis.

Nous en sommes malheureusement encore bien loin. Un inspecteur se présente dans le canton de…, ou de…, sur le territoire français, et, comme préliminaires d’examen, il demande quelques renseignements. On s’attroupe autour de l’étranger qui parle une langue inconnue ; le maire est appelé et finit par s’aboucher avec lui à l’aide d’un trucheman (125). L’inspecteur se transporte chez l’instituteur, le voilà en pays de connaissance, et déjà, bien que sentant ses habitudes de patois (126), la lecture des bambins de l’école réjouit son oreille par des sons français. Il parle, mais personne ne lui répond : il est inutile de dire que les élèves ignorent la langue, quand nous saurons que le maître qui doit la