Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/50

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leur enseigner ne la connaît pas lui-même (127) ; ou bien si, par un heureux hasard, il est en état de la montrer, tout s’oppose autour de lui à ce qu’il réussisse. Les enfants, de retour dans leur cabane, quelquefois même au sein des villes (128), vivent dans le patois : ils le retrouvent à l’école dans la conversation familière et dans les questions de l’instituteur (129) ou de sa famille (130). Les livres français, à commencer par la grammaire, sont pour eux des livres de lecture comme le psautier latin dans nos écoles (131) ; aussi, pour les choses qu’ils doivent comprendre, le catéchisme, par exemple, les ecclésiastiques exigent que l’instituteur le fasse réciter en patois (132), et refusent la porte à l’enfant qui ne le saurait dire qu’en français (133). En un mot les rôles sont changés : le français est pour eux ce qu’est pour nous leur idiôme, une langue morte, une ruine, ou, si vous voulez, un luxe dont ils n’ont que faire. Le patois est la vraie langue du pays (134) : elle se mêle à tout, aux conversations, aux plaisirs, aux affaires : elle règne dans l’école comme dans l’église où le prêtre n’emploie pas d’autre langue pour prêcher ses ouailles (135). « Parlez la langue de vos pères, dit le bon curé aux enfants (136) ; ils n’ont pas besoin de parler comme des bourgeois, disent aux instituteurs les pères de famille (137). »

— Telles sont les causes les plus générales que nous avons trouvées à la difficulté de propager en France l’instruction primaire : répugnance ou indifférence chez les masses ; inertie ou mauvais vouloir des gens influents, conflit d’intérêts dont les plus puissants seront toujours pour le pauvre ceux qui touchent de plus près à sa misère ; rivalité des communes, défaut de communication entre elles, limites trop étendues de leur circonscription, position excentrique des chefs-lieux, enfin, pour un assez grand nombre de provinces encore, la diversité des lan-