Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/169

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lius, et un geste intraduisible ajoutait presque : Et c’est vraiment dommage, puis brusquement :

« Bonne nuit, c’est la onzième nuit que je veille, et ce soir, franchement, c’est bien votre tour » et saisissant d’une main le flambeau, relevant de l’autre la traîne de sa robe, elle s’était enfoncée, évanouie dans l’ombre.

Je gagnai à tâtons la chambre de Claudius, guidé dans les ténèbres par l’embrasure lumineuse de la porte.

J’y passai la nuit avec la garde, réfléchissant au singulier récit de Lady Viane, à son plus singulier aveu quand, hautainement, avec l’audace d’une courtisane, elle s’était dévoilée, offerte à moi, l’ami d’Aiguor, au chevet, à côté même de la chambre d’agonie de cet ami.

Était-ce pour cela qu’elle m’avait fait venir ! J’avais évité le premier piège, mais le second ? Que machinait-elle encore contre moi ? Elle me haïssait, cela était certain, mais m’avait-elle aimé, comme elle le disait ? Cet aveu n’était-il pas une trahison, une amorce tendue à ma vanité ? Être ma maîtresse, à moi son ennemi, dans la maison même de Claudius malade, quel orgueil et quel triomphe pour cette perverse ! Je redoutais et je désirais fiévreusement le lever