Page:Lorrain - Sensations et Souvenirs, 1895.djvu/232

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des Saules par de torrentielles ondées d’équinoxe, voilà deux jours que nous nous cantonnions désespérément, mélancoliquement, essayant de tuer le temps et de tromper notre ennui par de successives parties de baccara, dans le grand hall, transformé en salon de jeu, de la villa.

L’heure du courrier apportait seule une diversion à la monotonie de nos occupations, jetant au milieu de notre lassitude l’imprévu des lettres particulières et les racontars plus ou moins frelatés des journaux. Or, le courrier venait d’arriver : comme la veille, avide de nouvelles, nous avions déployé fiévreusement les feuilles, tandis qu’Asseline, assez indifférent, tentait une illusoire patience avec les cartes du baccara soudain abandonné.

Georges Moor, Jacques de Tracy et moi, préoccupé de l’affaire Bloch, venions avec un ensemble touchant d’en lire le jugement et c’est ce jugement que nous discutions à voix haute, d’une extrémité du hall à l’autre, des divans respectifs où nous nous étions étendus, et c’est cette discussion, malgré nous passionnée et toute d’indignations frémissantes, que le flegme indolent d’Asseline venait de doucher de toute la froideur de sa phrase railleuse.

" Les Anglais sont autrement forts que nous sur ce chapitre. " Mais comment rendre le geste fatigué de notre hôte et le dédain somnolent de sa voix ?