Page:Loti - Aziyadé.djvu/283

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incohérentes. Les groupes, exténués et haletants, passaient et repassaient dans l’obscurité. La danse tourbillonnait toujours, et Achmet, à chaque tour, brisait une vitre du revers de sa main.

Une à une, toutes les vitres de l’établissement tombaient à terre, et se pulvérisaient sous les pieds des danseurs ; les mains d’Achmet, labourées de coupures profondes, ensanglantaient le plancher.

Il paraît qu’il faut du bruit et du sang aux douleurs turques.

J’étais écœuré de cette fête, inquiet aussi pour l’avenir de voir Achmet faire de pareilles sottises et se soucier si peu de ses promesses.

Je me levai pour sortir ; Achmet comprit et me suivit en silence. L’air froid du dehors nous rendit le calme et la possession de nous-mêmes.

— Loti, dit Achmet, où vas-tu ?

— À bord, répondis-je ; je ne te connais plus ; je tiendrai mes promesses comme tu as ce soir tenu les tiennes, tu ne me reverras jamais.

Et j’allai plus loin discuter avec un batelier attardé le prix d’un passage pour Galata.

— Loti, dit Achmet, pardonne-moi, tu ne peux pas laisser ainsi ton frère !