Page:Loti - L’Inde (sans les Anglais).djvu/34

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et les herbages, comme en pleine jungle ; des chauves-souris, dont j’ai troublé la paix, tournoient dans la lumière matinale, bêtes des ruines aux ailes grises, et de tout petits écureuils sauteurs, merveilleux de vitesse et de grâce, me surveillent à travers les feuilles.

À mes pieds, quelques-uns de ces grands arbres, qui font à la ville morte son linceul, sont parés comme pour une fête de printemps : des fleurs rouges, des fleurs jaunes, des fleurs roses. Et une averse passe, rapide, sur les belles cimes fleuries, puis s’en va se perdre, se dissoudre en brouillard, au fond des lointains sauvages.

Mais le soleil, qui monte vite derrière les nuées et la pluie, chauffe déjà lourdement ma tête ; il est l’heure de rentrer sous bois, à l’ombre, dans la nuit verte où vivent les hommes d’ici, et je redescends de la sainte tour par un escalier de branches.



En bas, c’est le monde confus des débris et des ruines, dans la terre rouge, parmi les monstrueuses racines qui se tordent comme des serpents. Par centaines, gisent les divinités brisées, les éléphants de granit, les autels, les chimères, attestant l’effroyable hécatombe de symboles faite, il y aura tantôt deux mille ans, par les envahisseurs malabars.