Page:Loti - L’Inde (sans les Anglais).djvu/35

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Autour des indestructibles dagabas, les bouddhistes de nos jours ont pieusement ramassé les plus vénérables de ces choses ; sur les marches des temples anéantis, ils ont aligné des têtes coupées d’anciens dieux, et, par leurs soins, les vieux autels restés debout, frustes et informes à présent, sont couverts chaque matin d’exquises fleurs, et des petites lampes y brûlent encore. Anuradhapura demeure à leurs yeux la ville sacrée, et, de très loin, des pèlerins, déçus de leur incarnation terrestre, viennent s’y recueillir et prier, dans la paix des arbres.

Les dimensions et le plan des grands sanctuaires s’indiquent encore par les séries de marbres, de dalles, de colonnades, qui partent des tours, pour se perdre sous bois ; on devait arriver au lieu très saint par d’interminables vestibules que gardaient les dieux inférieurs et les monstres, tout un peuple de pierre, aujourd’hui gisant et pulvérisé.

En plus de ces temples-là, qui dominent de loin la jungle touffue, il en est des centaines d’autres, effondrés partout, et aussi des vestiges de palais sans nombre ; la forêt recèle autant de piliers en granit que de troncs d’arbres, et tout se confond, sous la retombée des verdures éternelles.

Au début de notre ère, la princesse Sanghamitta, qui fut une grande mystique, avait apporté du nord de l’Inde, pour le planter ici, un rameau de l’arbre sous