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MADAME CHRYSANTÈME

elle présente à mes lèvres, avec une révérence, le tube d’argent, — et je n’ose pas refuser, par courtoisie ; mais c’est acre, détestable…

Maintenant, avant de m’étendre sous la moustiquaire bleu sombre, je vais rouvrir deux des panneaux du logis, l’un du côté du sentier désert, l’autre sur les jardins en terrasse, afin que l’air de la nuit puisse passer sur nous, au risque de nous amener d’autres hannetons attardés ou d’autres phalènes étourdies.

Notre maison, tout en bois vieux et mince, vibre la nuit comme un grand violon sec ; les bruissements les plus légers y grandissent, s’y défigurent, y deviennent inquiétants. Sous la véranda, deux petites harpes éoliennes, suspendues, font au moindre souffle leur tintement de lames de verre, semblable au murmure harmonieux d’un ruisseau ; dehors, jusque dans les derniers lointains, les cigales continuent leur grande musique éternelle, et, au-dessus de nous, sur le toit noir, on entend, comme un galop de sorcières, passer la bataille à mort des chats, des rats et des hiboux…

… Plus tard, aux dernières heures de la nuit