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MADAME CHRYSANTÈME

lâchetés et mes péchés comme le vent du nord emporte la poussière dans la mer. Lavez-moi blanchement de mes souillures, comme on lave des saletés dans la rivière de Kamo. — Faites-moi la grâce de devenir la plus riche femme du monde. — Je crois en votre lumière qui se répandra sur la terre et l’éclaircira incessamment, pour mon bonheur. Faites-moi la grâce de conserver la santé de ma famille, — et surtout la mienne, à moi, qui, ô Ama-Térace-Omi-Kami, n’estime et n’adore que vous-même, etc., etc. »

Ensuite, viennent tous les empereurs, tous les Esprits et la liste interminable des ancêtres.

De son fausset tremblant de vieille femme, madame Prune chante tout cela, vite à perdre haleine, sans en rien omettre.

Et c’est bien étrange à entendre ; à la fin, on ne dirait plus un chant humain ; c’est comme une série de formules magiques qui s’échapperaient, se dévideraient d’un rouleau inépuisable, pour prendre leur vol dans l’air. Par son étrangeté même et par sa persistance d’incantation, cela arrive à produire, dans ma tête encore endormie, une sorte d’impression religieuse.