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MADAME CHRYSANTHÈME

adieux d’Yves à Chrysanthème, comment seront-ils ? Ce point surtout me préoccupe…

Rien de bien précis encore, mais il est certain que, d’une façon ou d’une autre, notre séjour au Japon est près de finir. — C’est peut-être ce qui me fait, ce soir, jeter un coup d’œil plus ami sur toutes les choses qui m’entourent. — Six heures environ, quand j’arrive à Diou-djen-dji, après une journée de service. Le soleil très bas, prêt à s’éteindre, entre en plein dans ma chambre, la traverse de ses grands rayons d’or rouge, illuminant les Bouddhas, les fleurs disposées en gerbes bizarres dans les vases anciens. — Elles sont là cinq ou six petites poupées, mes voisines, s’amusant à danser au son de la guitare de Chrysanthème… Et je trouve un vrai charme ce soir à penser que ce logis, cette femme qui mène la danse, tout cela est mien. J’ai été injuste, en somme, envers ce pays ; il me semble que mes yeux s’ouvrent en ce moment pour le bien voir, que tous mes sens subissent un changement brusque et étrange ; je perçois et je comprends mieux tout à coup cette infinité de gentilles petites choses au milieu desquelles je vis, la grâce frêle et très cherchée des formes, la