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MADAME CHRYSANTÈME

Comme tout s’efface, change, s’oublie… Voici que je me fais très bien à ce Japon mignard maintenant ; je me rapetisse et je me manière ; je sens mes pensées se rétrécir et mes goûts incliner vers les choses mignonnes, qui font sourire seulement ; je m’habitue aux petits meubles ingénieux, aux pupitres de poupée pour écrire, aux bols en miniature pour faire la dînette ; à la monotonie immaculée de ces nattes, à la simplicité si finement travaillée de ces boiseries blanches. Je perds même mes préjugés d’Occident ; toutes mes idées ce soir flottent et s’en vont ; en traversant le jardin, j’ai salué courtoisement M. Sucre, qui arrosait ses arbustes nains et ses fleurs contrefaites ; madame Prune me semble une vieille dame bien recommandable, ayant eu un passé très admissible…

Nous ne nous promènerons pas cette nuit ; j’ai envie de rester tout simplement étendu où je suis et d’écouter le chamécen de ma mousmé.

Jusqu’à présent j’avais toujours écrit sa guitare, pour éviter ces termes exotiques dont on m’a reproché l’abus. Mais ni le mot guitare ni le mot mandoline ne désignent bien cet instrument mince avec un si long manche, dont les notes hautes sont plus