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MADAME CHRYSANTHÈME

mièvres que la voix des sauterelles ; — à partir de maintenant, j’écrirai chamécen.

Et j’appellerai ma mousmé Kihou, Kihou-San ; ce nom lui va bien mieux que celui de Chrysanthème, — qui en traduit exactement le sens, mais n’en conserve pas la bizarre euphonie.

Donc, je dis à Kihou, ma femme :

— Joue, joue pour moi ; je resterai là toute la soirée, et je t’écouterai.

Étonnée de me voir si aimable, se faisant un peu prier, ayant presque à la lèvre un plissement amer de triomphe et de dédain, elle s’assied dans la pose des images, relève ses longues manches de couleur sombre, — et commence. Les premières notes hésitantes bruissent en sourdine, mêlées aux musiques d’insectes qui se font dehors, dans l’air tranquille, dans le crépuscule chaud et doré. D’abord elle joue avec lenteur des choses confuses dont elle paraît ne pas bien se souvenir, dont la suite se fait attendre, ne vient pas ; — et les autres petites ricanent, inattentives, regrettant leur danse arrêtée. Elle est distraite, elle-même, maussade, comme qui s’exécute par devoir.

Puis peu à peu, peu à peu, cela s’anime, et les