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MADAME CHRYSANTHÈME

moi, de la quitter, cette petite Chrysanthème ?…

Un silence entre nous deux.

Après quoi je vais plus loin, brûlant mes vaisseaux :

— Tu sais, après tout, si elle te faisait tant de plaisir… Je ne l’ai pas épousée, elle n’est pas ma femme, en somme…

Très surpris, il me regarde :

— Pas votre femme, vous dites ? — Si ! par exemple… Voilà justement, c’est qu’elle est votre femme…

Nous n’avons jamais besoin d’en dire bien long, entre nous deux ; je suis absolument fixé maintenant, par son intonation, par son bon sourire de franchise ; je comprends tout ce qu’il y a dans cette petite phrase : « Voilà justement, c’est qu’elle est votre femme… » Si elle ne l’était pas, oh ! il n’oserait répondre de ce qui pourrait arriver, — malgré le remords qu’il en aurait au fond de lui-même, n’étant plus garçon, ni libre de sa personne comme autrefois. — Mais il la considère comme ma femme, et alors c’est sacré. Je crois en sa parole de la manière la plus complète, et j’ai un vrai soulagement, une vraie joie, à retrouver mon brave