Page:Loti - Madame Chrysanthème, 1899.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
291
MADAME CHRYSANTHÈME

Il s’y mêle un bruit que je ne m’explique pas : dzinn ! dzinn ! des tintements argentins très purs, comme si on lançait fortement des pièces de monnaie contre le plancher. Je sais bien que cette maison vibrante exagère toujours les sons, pendant les silences de midi aussi bien que pendant les silences nocturnes ; mais c’est égal, je suis intrigué de savoir ce que ma mousmé peut faire. — Dzinn ! dzinn ! est-ce qu’elle s’amuse au palet, ou au jeu du crapaud, — ou à pile ou face ?…

Rien de tout cela ! Je crois que j’ai deviné, — et je monte encore plus doucement à quatre pattes, avec des précautions de Peau-Rouge, pour me donner le dernier plaisir de la surprendre.

Elle ne m’a pas entendu venir. Dans notre grande chambre complètement vidée, balayée, blanche, où entrent le clair soleil, et le vent tiède, et les feuilles jaunies des jardins, elle est seule assise, tournant le dos à la porte ; elle est habillée pour la rue, prête à se rendre chez sa mère, ayant à côté d’elle son parasol rose.

Par terre, étalées, toutes les belles piastres blanches que, suivant nos conventions, je lui ai données hier au soir. Avec la compétence et la