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MADAME CHRYSANTÈME

dextérité d’un vieux changeur, elle les palpe, les retourne, les jette sur le plancher et, armée d’un petit marteau ad hoc, les fait tinter vigoureusement à son oreille, — tout en chantant je ne sais quelle petite romance d’oiseau pensif, qu’elle improvise sans doute à mesure…

Eh bien, il est encore plus japonais que je n’aurais su l’imaginer, le dernier tableau de mon mariage ! Une envie de rire me vient… Comme j’ai été naïf de me laisser presque prendre à quelques mots assez réussis qu’elle avait prononcés hier au soir en cheminant à mon côté, — à une petite phrase assez gentille qu’avaient embellie le silence de deux heures du matin et tous les enchantements de la nuit. Allons, pas plus pour Yves que pour moi, pas plus pour moi que pour Yves, rien ne s’est jamais passé dans cette petite cervelle, dans ce petit cœur.

Quand je l’ai assez regardée, je l’appelle :

— Hé ! Chrysanthème !

Elle se retourne, confuse, rougissant jusqu’aux oreilles d’avoir été vue pendant ce travail.

Elle a bien tort, pourtant, d’être si troublée, — car je suis ravi au contraire. La crainte de la