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à la maison ; au-dessus de lui, à la fenêtre de l’étage, Jeanne s’amusait à effeuiller et à jeter sur son livre et dans ses cheveux, les marguerites d’un bouquet qu’elle avait mis le matin à sa ceinture.

Elle rougit en me voyant et s’écria avec vivacité, confuse d’être surprise en flagrant délit d’enfantillage :

— Tu es étonnante, ma chère Germaine, tu te laisses prendre les mains par ces marmots mal lavés et tu t’imagines qu’ils comprennent la beauté de tes roses ; ils aimeraient bien mieux que tu leur donnes quelques sous.

— Peut-être, Jeannette, mais je crois que rien n’est perdu de ce qui éclaire l’intelligence et qu’ils se souviendront tôt ou tard de mes leçons ; j’ignorais que tu fusses là, moqueuse.

— Germaine est l’amie des humbles, dit Jacques sérieux, avec un bon regard.


Septembre. — L’automne s’annonce précoce ; hier, dans l’allée du jardin, une feuille de peuplier déjà jaunie est tombée à nos pieds avec un petit bruit sec ; c’est la première de cette année.

— La carte de visite de l’hiver, s’est écriée Jeanne, et elle l’a cérémonieusement ramassée.


Septembre. — Les soirées déjà fraîches nous réunissent le soir, autour de la lampe de mon petit salon. Jeanne feuillette des albums ; Jacques nous explique quelque nouveauté de la science, quelqu’une de ces merveilleuses découvertes de l’esprit humain, sons cesse en progrès. Ces questions m’intéressent au plus haut point ; Jacques parle bien, il est clair et concis, et je comprends, quand il nous les explique, les choses les plus ardues.

Jeanne aussi écoute attentivement, les yeux souvent baissés sur un dessin de son album, et alors la lumière douce de la lampe tombe sur sa joue fraîche comme les pétales du camélia, et sur laquelle de longs cils projettent leur ombre. La délicatesse veloutée de son teint fait songer au duvet de la pêche, ou à cette vapeur bleue qui couvre certains fruits ; image charmante de la pureté de ces âmes de jeunes vierges qui, s’ignorant elles-mêmes, s’offrent candidement à notre admiration. Inconscientes de la puissance d’attraction qui émane d’elles, elles sont les merveilles et le chef-d’œuvre de la création.

Qui ne les aimerait dans la radieuse éclosion de leur âme en fleur, ces jeunes filles qui croient au bonheur, à la vie, à l’amour ? et quelle âme réfléchie ne les plaindrait en songeant