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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/323

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DE HOUTÉN À VIEN CHAN.

jeuner, les vestiges d’une ancienne résidence des rois de Vien Chan. Nous atteignîmes le soir même la limite des provinces de Ponpissay et de Nong Kay. Le lendemain, nous examinâmes avec curiosité des excavations faites par les chercheurs d’or dans un banc de quartz aurifère qui rétrécit extrêmement le lit du fleuve. Les indigènes connaissent l’usage du mercure pour le traitement du précieux métal, et nous les trouvâmes occupés en assez grand nombre au lavage des sables ; ce travail paraît ne leur donner aujourd’hui que d’assez minces résultats.

Immédiatement après avoir contourné ce lieu d’exploitation, le fleuve, dont la direction, depuis Ponpissay, s’était beaucoup relevée vers l’ouest, revint au sud en s’élargissant. Une de ces pyramides sacrées, si nombreuses au Laos, qui indiquent soit un tombeau, soit un lieu sacré, nous apparut de loin, isolée sur les eaux, au milieu du vaste demi-cercle creusé par le courant le long de la rive droite du fleuve ; depuis dix ans déjà, elle avait été détachée de la berge sur laquelle elle avait été jadis construite, et elle restait à demi inclinée sur l’onde comme un navire en détresse prêt à sombrer. Tant qu’elle restera debout, elle sera un point de repère excellent pour mesurer les empiétements du fleuve, empiétements qui, au milieu de terrains meubles, se reproduisent à chaque coude du côté extérieur et occasionnent sur la rive opposée des atterrissements ou des bancs de sable qui atteignent parfois des dimensions colossales. Pour le moment, le Tât penché nous signalait Nong Kay, où nous prîmes terre à onze heures du matin.

Nong Kay, fondé après la destruction de Vien Chan par les Siamois, a hérité en partie de son importance : c’est le plus grand centre de population que l’on rencontre sur les bords du Mékong de Pnom Penh à Luang Prabang ; les maisons, construites parallèlement à la rive, forment une rue de plus d’une lieue de long, coupée par plusieurs ruelles, ou plutôt par des sentiers perpendiculaires au fleuve. La ville paraît renfermer de 5 à 6,000 habitants. Les produits de son voisinage immédiat sont très-variés : le coton, la soie, le tabac et l’indigo sont cultivés au delà des besoins de la consommation locale ; il y a à peu de distance de la terre à poteries, de la chaux et des exploitations forestières fournissant d’excellents bois de charpente. Par sa situation, Nong Kay est l’entrepôt des productions de l’immense et fertile plaine que nous venions de traverser depuis Houtén ; le plomb, la poudre d’or, le fer qui vient de M. Leui situé à quatre ou cinq jours de marche dans le sud-ouest, le sel qui s’exploite dans les marais salants de la rive droite du fleuve, y trouvent un marché avantageux. Les productions de la région comprise au nord du fleuve, entre Luang Prabang et la frontière annamite, région dont Muong Poueun est la ville principale, ont également leur écoulement naturel vers Nong Kay. C’est de là que vient le plus riche apport commercial : la cire, l’ivoire, les plumes, les peaux, les cornes, le benjoin, la cannelle. C’est par Muong Poueun qu’ont lieu toutes les communications avec le Tong-king. On dit que cette localité produit du soufre et du fer.

C’est peut-être par la route de Muong Poueun que le père Bonelli avait essayé de pénétrer au Laos en venant du Tong-king en 1638, et que le père Leria fit le trajet inverse : (Voy. ci-dessus, p. 9.) Celui-ci partit de Vien Chan le 2 décembre 1647, accompagné,