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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/346

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RENCONTRE D’UN VOYAGEUR EUROPÉEN.

vieuse l’effrayait beaucoup, et il ne comptait pas achever ce travail cette année même ; il voulait retourner hiverner à Bankok, pour continuer à la prochaine saison sèche la carte de la vallée du fleuve. Il avait la tête remplie de terribles histoires sur l’insalubrité du Laos, et parut nous considérer comme des gens morts, puisque nous persistions à nous avancer dans le nord malgré les pluies.

Quant aux deux autres Européens qui l’accompagnaient, c’étaient deux métis, nés de femmes siamoises, qui lui servaient d’aides et de domestiques.

M. Duyshart m’avoua que notre rencontre lui avait causé les plus vives appréhensions. On lui avait dit à Luang Prabang qu’un certain nombre de Français remontaient le fleuve à la tête d’une troupe de Cambodgiens armés ; il connaissait vaguement la révolte qui venait d’ensanglanter le Cambodge, et il avait craint un instant de se trouver en présence d’une bande de maraudeurs et de pillards, qui pouvait lui faire un mauvais parti. Aussi avait-il cherché à éviter cette rencontre et ne s’était-il un peu rassuré qu’en voyant le radeau qui le précédait entrer en pourparlers amicaux avec nos barques. Il avait cependant jugé prudent de s’arrêter en aval, pour pouvoir au besoin détaler promptement.


KENG SAO ET LES MONTAGNES DES ENVIRONS DE PAK LAY.

Ainsi, grâce aux exagérations des indigènes, nous nous étions des deux côtés alarmés inutilement. La mission de M. Duyshart était bien une mission scientifique ; mais son voyage n’avait pas la portée que nous lui avions attribuée. Il avait reconnu, il est vrai, le cours du Cambodge cent vingt milles au-dessus de Luang Prabang, mais il n’était pas sorti des limites des possessions siamoises. Xieng Khong, le point le plus haut qu’il eût atteint sur le fleuve, n’était que peu au-dessus du vingtième parallèle.

À Xien Khong, le Mékong paraissait venir du nord-ouest ; sa largeur et son débit restaient considérables ; mais, à partir de ce point, il s’engageait dans une contrée où les populations étaient en guerre les unes avec les autres et où M. Duyshart pensait qu’il nous serait impossible de pénétrer.