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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/345

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route. En même temps le lit du fleuve s’élargit, et quelques grandes îles s’y montrèrent : nous n’étions plus qu’à une douzaine de milles de Pak Lay.

Ce fut à ce moment qu’on nous annonça que les Anglais, redescendant le fleuve, étaient partis le matin même de ce dernier point et que nous n’allions pas tarder à voir passer leurs radeaux. Le commandant de Lagrée, pour dégager sa responsabilité, s’occupa immédiatement de la rédaction d’une note destinée au gouverneur de la Cochinchine française. Cette note résumait les principales circonstances de notre voyage depuis notre départ de Saïgon et indiquait les causes des retards survenus dans l’accomplissement de notre mission, causes dont aucune ne nous était imputable ; elle faisait valoir la célérité avec laquelle, une fois muni des passe-ports que j’avais dû aller chercher jusqu’à Pnom Penh, j’avais rejoint l’expédition en marchant, sans m’arrêter, plus de trente jours de suite, et l’activité déployée à partir de ce moment pour regagner le temps perdu. De mon côté, j’achevai à la hâte un croquis de la carte du fleuve contenant tout notre itinéraire depuis Cratieh, et je l’accompagnai d’une brève indication des principaux résultats géographiques dont nous pouvions les premiers revendiquer l’honneur. Ces différents travaux terminés, nous attendîmes de pied ferme nos collègues en exploration indo-chinoise.

À midi, un premier radeau apparut : hélé par le petit mandarin laotien qui était chargé de nous conduire de Xieng Cang à Pak Lay, il manœuvra de façon à venir aborder à la pointe d’amont de l’île le long de laquelle nos barques se tenaient amarrées. Le courant le porta bientôt sur nous. Il n’y avait à bord aucun Européen ; mais nous apprîmes de ceux qui le montaient qu’un second radeau n’allait pas tarder à passer qui en contenait trois. C’était à ce chiffre que se réduisaient les quarante Anglais qu’on nous avait annoncés. Un mandarin siamois d’un rang élevé les accompagnait, et, au dire des gens du radeau, avait autorité sur eux. Cette dernière circonstance commença à nous faire douter du caractère que nous avions attribué jusque-là à la prétendue mission européenne. Le second radeau se montra à ce moment : en voyant sa conserve arrêtée près de nous, il fit mine de venir la rejoindre ; puis quelque hésitation parut se manifester à bord ; il reprit le fil du courant et alla prendre terre à une assez grande distance de nous, à l’extrémité d’aval de l’île. Dès que nous fûmes sûrs qu’il manœuvrait pour s’arrêter, le commandant de Lagrée me dépêcha à bord pour ouvrir les négociations et entrer en relation officielle avec les nouveaux venus.

Au lieu des uniformes anglais que je m’attendais à rencontrer, quelle ne fut pas ma surprise en me voyant accueilli par un Européen simplement vêtu, qui me souhaita le bonjour en français. Je me trouvais en présence d’un employé de notre colonie de Cochinchine, M. Duyshart, Hollandais de naissance, qui avait quitté Saïgon pour prendre du service auprès du roi de Siam, dont il avait été nommé le géographe ordinaire. Il avait quitté Bankok au commencement de la saison sèche dernière, avait remonté en barque la branche la plus orientale du Menam, jusqu’au moment où elle devient innavigable, puis avait rejoint par terre le Mékong à un point nommé Xieng Khong, situé près des limites du Laos Siamois et du Laos Birman. Depuis Xieng Khong, il descendait le fleuve en radeau pour faire le levé géographique de son cours. La saison plu-