Aller au contenu

Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/517

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
476
ESSAI HISTORIQUE SUR LE NORD DE L’INDO-CHINE.

breux affluents, à peine séparées par de légères ondulations, forment une zone admirable de fertilité et de richesse, bien faite pour devenir le centre d’un puissant royaume.

D’après les historiens chinois, il y avait au viie siècle six principautés laotiennes dans le Yun-nan : la principale était le Muong Che (l’une des anciennes appellations du territoire de Yun-nan). Le premier prince de Muong Che, cité dans les historiens chinois, est Si-nou-lo, qui vint faire hommage à l’empereur Kao-tsoung (A. D. 650-684). Après Si-nou-lo, régnèrent son fils Lo-ching, son petit-fils Ching-lo-pi, et son arrière-petit-fils Pi-lo-ko. Celui-ci soumit les cinq autres muongs laotiens du Yun-nan. Ce fut l’origine du royaume de Nan-tchao. En 738, il gagna par des présents Ouang-yu, gouverneur chinois du Se-tchouen, et obtint de l’empereur le titre de roi. Il donna aux années de son règne le chiffre de Kouey-y, et établit sa cour à Tay-ho-tchiay, ville dont les ruines se voient encore au sud de Ta-ly. En 748, Pi-lo-ko mourut ; son fils Ko-lo-fong lui succéda. En 750, mécontent des exactions commises par le gouverneur du Se-tchouen, il prit les armes, s’empara de Yun-nan et de trente-deux autres villes. Le général chinois Sien-yu-tchong-tong fut envoyé contre lui avec 80,000 hommes. Ko-lo-fong effrayé proposa la paix. Son envoyé fut mis en prison. Ko-lo-fong, forcé de combattre, marcha contre les Chinois et les défit complètement à l’ouest de Tchao-tcheou. Il s’allia au roi de Tou-fan (Tibet oriental), et fit graver sur une table en marbre, que l’on montre encore aux environs de Ta-ly, les raisons qui l’avaient déterminé à prendre les armes. Une nouvelle tentative des Chinois pour faire rentrer dans le devoir leur vassal révolté ne fut pas plus heureuse. Ko-lo-fong battit de nouveau, en 754, le général Li-mi, dont l’armée fut presque entièrement détruite par les maladies.

Ko-lo-fong mourut en 779. Son fils Y-meou-siun, qui avait été élevé par un lettré chinois, renonça à l’alliance tibétaine en voyant les succès que Ouei-kao, gouverneur du Se-tchouen, l’emportait sur les Tou-fan. Non-seulement il reconnut volontairement la suprématie de la Chine (793), mais encore il marcha contre les Tibétains, les battit et s’empara de quinze villes (794). L’empereur Te-tsong lui envoya, en reconnaissance de sa soumission et de ses services, le diplôme qui l’établissait roi de Nan-tchao et le sceau royal. On montre encore au pied des monts Tien-tsang les ruines du temple où Y-meou-siun jura fidélité à l’empereur, entre les mains de son ambassadeur Tsoui-tso-che.

Après Y-meou-siun, régnèrent Suen-ko-kuen, qui mourut en 809, et Kuen-long-tching. Celui-ci, prince cruel et débauché, fut assassiné par un grand de sa cour, et remplacé par son frère Kuen-ly (816).

L’habile politique et la fermeté militaire d’Ouei-kao, gouverneur du Se-tchouen, avaient pacifié tout le sud de l’empire. Les fils des princes de Nan-tchao et des principaux du royaume étaient, par ses ordres, élevés avec soin à Tchen-tou. Ouei-kao préparait ainsi par la civilisation la conquête de ces régions lointaines. Ses successeurs furent moins prévoyants. À sa mort, survenue en 805, le nombre des étudiants de Nan-tchao fut diminué ; la discipline cessa d’être maintenue sur les frontières de l’empire ; des soldats chinois firent des incursions sur le territoire de Nan-tchao. Le roi de ce pays, nommé Fong-yeou, exerça, en 858, des représailles dans le Se-tchouen. Son fils Tsieou-long, qui monta sur le trône