Aller au contenu

Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/518

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
477
ROYAUME DE NAN-TCHAO OU DU YUN-NAN.

l’année suivante, ne recevant pas l’investiture de la cour de Pékin, et ayant quelques sujets de plaintes contre les agissements du gouverneur du Se-tchouen, prit les armes, ravagea cette province, et, en 862, entra dans le Ngan-nan, dont il ne fut repoussé qu’avec peine par le général Tsai-si. L’année suivante, profitant de ce que le gouvernement chinois avait retiré les troupes de secours qui avaient été envoyées à Tsai-si, Tsieou-long vint assiéger Kiao-tcheou, capitale du Tong-king. Après une résistance héroïque de deux mois, Tsai-si sortit de la ville à la tête d’une poignée d’hommes, et ne trouvant pas de barques sur le fleuve pour opérer sa retraite, se précipita dans ses eaux plutôt que de se rendre. Tout le Tong-king fut soumis à Tsieou-long. En 864, il alla faire le siège de Youe-tcheou. L’armée impériale, commandée par Kang-tching-hiun, le força à se retirer. Il revint à Yun-nan. En 866, le général chinois Kao-pien reprit Kiao-tcheou et battit dans plusieurs rencontres le roi de Nan-tchao. Celui-ci traita alors avec l’empereur, et la paix fut momentanément rétablie.

En 869, un envoyé de Tsieou-long fut mis à mort par le gouverneur de la ville chinoise de Ting-pien, ennemi personnel du roi de Nan-tchao. Celui-ci envahit immédiatement le Se-tchouen, s’empara de Kia-ting, Ya-tcheou et de plusieurs autres villes, et arriva le 24 février 870 devant Tchen-tou, capitale de la province. Un assaut donné le 6 mars suivant fut repoussé, et dix-sept jours après, l’arrivée d’une armée de secours, commandée par Song-ouey, força Tsieou-long à lever le siège. Il se retira sans être poursuivi.

En 874, il fit une autre incursion dans le Se-tchouen et assiégea Ya-tcheou. Mais le général Kao-pien, envoyé à sa rencontre, le repoussa victorieusement jusqu’au delà du fleuve Ta-lou, dont il fit fortifier les rives pour prévenir de nouvelles invasions. Nommé gouverneur du Se-tchouen, et sachant que les bonzes étaient en honneur auprès du roi de Nan-tchao, il lui envoya un prêtre nommé King-sien pour l’assurer de son désir de faire la paix (877). Le roi, qui d’ordinaire recevait assis les envoyés chinois, se leva à la vue du prêtre et consentit à entrer en négociations. Ce ne fut cependant qu’en 881 que Fa, fils de Tsieou-long, se reconnut vassal de l’empire. Il épousa une princesse chinoise et mourut en 885. Son fils Chun-hoa lui succéda.

Les royaumes tributaires de la Chine profitèrent des troubles qui marquèrent la fin de la dynastie des Thang pour s’émanciper, et on ne trouve à partir de cette époque, dans les auteurs chinois, aucune indication historique sur le royaume de Nan-tchao ou du Yun-nan. Vers 908, le roi de ce pays paraît avoir épousé la fille du prince de Canton, qui était à ce moment presque indépendant de l’empire.

Ce n’est qu’après l’avènement de la dynastie mongole, qu’il est question de nouveau dans les livres chinois de la contrée qui nous occupe. La province de Yun-nan était divisée entre plusieurs princes indépendants. L’un d’eux, héritier sans doute des princes de Nan-tchao, régnait à Ta-ly, lorsque, en 1253, Khoubilaï Khan résolut de soumettre toute la province. Le premier royaume qu’il rencontra sur les bords du Kin-cha kiang et qu’il conquit, fut celui des Moussouman[1]. Il faut sans doute reconnaître ici un pays mosso ; on

  1. De Mailla, op. cit., t. IX, p. 257 et suiv.