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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/525

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des rois de Vien Chan ; les intéressantes descriptions qu’ils ont laissées permettent de se faire une idée exacte de l’étendue et de la richesse de ce royaume laotien au milieu du dix-septième siècle. Ce fut sa dernière période de prospérité. De 1652 à 1671, de nombreuses guerres civiles ébranlèrent sa puissance. Luang Prabang se sépara définitivement du royaume de Vien Chan pour former une principauté à part. Les disettes et les maladies qui résultèrent de ces luttes intestines diminuèrent la population. De nombreuses colonies d’émigrants se dirigèrent vers le sud où l’affaiblissement de la puissance cambodgienne permettait de faciles établissements. C’est ainsi que Bassac fut fondé en 1712. Les conquêtes d’Alompra, qui délivra la Birmanie retombée encore sous la domination du Pégou, eurent leur contre-coup dans le Laos. Ce malheureux pays, qui avait été désolé en 1760 et en 1769 par une épidémie de variole, fut ravagé, en 1772 par les Birmans, et en 1777 par les Siamois. Ceux-ci détruisirent Bassac, Attopeu, Vien Chan, dont le roi Pha Poutichao dut se cacher dans le sud de la contrée. Les Annamites voulurent à leur tour une part des dépouilles laotiennes. Une armée tong-kinoise s’empara en 1791 de Vien Chan qui se relevait à peine de ses ruines et le roi Pha Poutichao fut tué. Pendant ce temps les principautés thai du Nord préparaient leur sujétion définitive aux Siamois ou aux Birmans par leurs luttes intestines ; Muong Nan et Luang Prabang se faisaient la guerre ; Xieng Mai, après avoir en 1763 recouvré son indépendance, n’avait pas tardé à subir le joug du fils d’Alompra, et le prince Benya Se Ban dut appeler, en 1774, les Siamois à son aide pour chasser les Birmans. C’est depuis ce moment que Muong Nan, Lakon, Laphon et Xieng Mai sont tributaires de Bankok.

Les principautés laotiennes de l’Est et du Sud firent cependant quelques efforts pour se reconstituer : Bassac se releva de ses ruines en 1792 ; Oubôn se fonda à la même époque, et le roi de Vien Chan, aidé par les Annamites, rétablit son autorité sur la rive gauche du fleuve jusqu’à Kemarat. Le prince Pha Visay, qui régnait à Bassac, réprima une révolte des sauvages de la rive gauche du fleuve, et soumit tout le pays jusqu’à Attopeu. La suprématie de Bankok, reconnue officiellement par les princes laotiens, osait d’autant moins s’affirmer d’une façon oppressive que les Annamites élevaient des prétentions tout aussi justifiées à la suzeraineté de la vallée du Cambodge et que les Siamois recueillaient sur les frontières nord de leur empire le fruit de leur modération. Vers 1803, l’oppression birmane avait été si grande sur les principautés thai du Nord, que les chefs de Xieng Tong, Muong Yong, etc., entamèrent des négociations secrètes avec les chefs de Xieng Mai, Laphon et Lakon, qui étaient soumis aux Siamois. Ceux-ci promirent de distribuer des territoires à tous les émigrants qui consentiraient à venir se ranger sous la domination de Bankok, et de faciliter leur départ en attaquant, à un moment donné, les troupes birmanes qui occupaient le territoire de Xieng Tong. Ils s’engagèrent formellement à respecter la liberté et l’autonomie des exilés. En conséquence, le tsoboua, ou roi de Xieng Tong, ses quatre frères, le tsoboua de Muong Yong, et un grand nombre de Laotiens attachés à leur fortune, se révoltèrent contre les Birmans, et vinrent se placer à Xieng Sen, sous la domination siamoise. Celle-ci ne tint aucune de ses promesses. Bankok partagea les émigrants entre les cinq villes de Xieng Mai, Laphon, Lakon, Muong