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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/526

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Phe et Muong Nan, et les soumit aux plus lourdes charges. Le plus jeune des frères du tsoboua de Xieng Tong put retourner dans cette ville avec quelques partisans et il y fut proclamé roi. Le souverain actuel de Xieng Tong est son fils aîné.

Mais l’ambition siamoise ne pouvait dormir tant qu’il y avait encore un roi à Vien Chan. En 1825, ce prince, nommé Chao Anu, avait été rendre au roi de Siam ses hommages de prince tributaire. À son retour, des discussions fort vives s’élevèrent entre lui et le mandarin siamois chargé de la surveillance de la frontière. Celui-ci prélevait des droits exorbitants sur le commerce laotien. Chao Anu porta, mais en vain, ses réclamations à Bankok. Il voulut alors faire justice par la force du fonctionnaire prévaricateur. Ce recours aux armes fut présenté comme une révolte ouverte, préméditée depuis longtemps. Tout le Siam s’en émut et se leva en masse contre le dernier royaume laotien. Les provinces voisines, Xieng Mai, Laphon, Lakon, Muong Nan, Muong Phe, durent fournir à elles seules dix-neuf mille combattants, quoique leur population s’élevât à peine à cent cinquante mille âmes. Xieng Mai fut vivement sollicité par le roi Chao Anu de se joindre à lui pour reconquérir l’indépendance de la race laotienne ; mais, après quelques hésitations, le sèna de cette province n’osa prendre sur lui une détermination aussi hardie, et résolut d’obéir aux ordres de Bankok. Il a dû vivement regretter son aveugle soumission, quand, après la destruction de Vien Chan, le gouvernement siamois a encore appesanti son joug sur tout le Laos.

Le Praya Mitop, ou « général siamois » désigné pour conduire cette guerre, se distingua par son habileté et ses violences, et son souvenir exécré fait trembler encore aujourd’hui les populations. Ce fut un écrasement sans merci. Les vaincus étaient entassés dans des hangars auxquels on mettait le feu. Le plus grand nombre de ceux que l’on emmena captifs mourut en route de misère ; le reste fut partagé entre les nobles siamois. Gutzlaff, dans son voyage à Bankok, en 1830, a visité les chefs laotiens qui, s’étant soumis tout d’abord, avaient eu la vie sauve : ils vivaient enfermés dans une pagode bâtie près de la ville, sur les bords du fleuve. Quant au roi de Vien Chan, il fut enfermé dans une cage, où il mourut promptement. Son fils réussit d’abord à s’échapper, mais il fut poursuivi et atteint auprès d’une pagode, du toit de laquelle il se précipita.

Pour prévenir à jamais toute nouvelle tentative de rébellion, la population du royaume fut dispersée, et l’on repeupla le pays à l’aide de Laotiens tirés des provinces de la rive droite du fleuve, entre autres de Sivanaphoum. C’est à ce moment que fut érigé le Muong Nong Kay.

Les Siamois essayèrent de compléter la sujétion de tous les tronçons épars de la race thai en faisant une dernière tentative sur les principautés du Nord. Des rivalités tous les jours plus vives s’étaient élevées entre Maha Say, gouverneur de Muong Phong, province située sur la rive gauche du Mékong, et le roi de Xieng Tong. Maha Say appela les Siamois à son aide, et ceux-ci se hâtèrent d’intervenir dans un débat qui pouvait leur procurer la conquête si ambitionnée par eux de Xieng Tong. Ils firent contre Xieng Tong trois expéditions, la première avec trois mille hommes, la seconde avec dix mille hommes, la dernière avec trente mille hommes ; celle-ci eut lieu en 1854, et se termina par une véri-