Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/176

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bienfaisante, tantôt funeste. L’islamisme, comme la religion juive, a proscrit les représentations plastiques. Le christianisme a fini par renoncer à cette proscription, mais le protestantisme a arrêté l’essor de la peinture religieuse. Pourquoi l’artiste doit-il revenir à la conception religieuse du christianisme ? Vouloir qu’il ne puise ses inspirations qu’à la source de la foi religieuse, c’est vouloir borner le champ vaste, libre, universel, de l’art. La vie, la nature, l’homme, une idée, de beaux horizons, de belles montagnes, la belle musique, de beaux corps et de belles âmes peuvent parfaitement inspirer l’artiste, lui faire éprouver des émotions fortes, profondes, sincères, pures, morales et dignes d’être traduites par la peinture, la musique, la poésie. Prêchant que l’artiste retourne à la source sacrée du vrai christianisme, Tolstoï est certainement dans son rôle d’apôtre. « La foi, dit-il, est la force de la vie. Si l’homme vit, c’est parce qu’il croit en quelque chose[1]. » Parfaitement. Mais il peut croire aux idées de Jésus de Nazareth, comme il peut aussi croire à la beauté de l’univers, à la bonté de l’âme humaine, et cette foi peut aussi lui inspirer de belles œuvres. L’artiste peut avoir foi en son art, comme le penseur en ses idées, comme le prêtre chrétien dans les paroles d’un saint Pierre et d’un saint Paul. L’art est une religion. L’artiste l’aime, l’adore comme une divinité, il y puise ses forces, ses plaisirs, ses ivresses, son bonheur ; il trouve sa religion puissante et sublime, elle seule

  1. Pensées de Tolstoï, p. 45, pensée 156.