Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/77

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indispensables à leur vie ! Ils doivent choisir entre l’isolement et les poignées de main mensongères. Les faibles commencent par mépriser cette foule de faux frères et finissent, souvent, par en devenir des éléments anonymes. Les forts préfèrent encore l’isolement, malgré la parole du Nazaréen : « Malheur à l’homme seul ! » Une voix intérieure leur murmure : « Garde ta grandeur solitaire. Ferme à jamais l’immensité de ton âme ! » Et, en dépit des railleries des uns, de l’hypocrisie des autres, ils gardent quand même intacte leur foi dans la pureté et la grandeur de l’âme humaine, dans la sublimité de l’idéal, de la Justice, du Bien et de l’Amour !

Oui, Tolstoï était dans de très bonnes conditions pour mettre ses théories nouvelles en pratique. Combien y-a-t-il d’hommes cependant qui se trouvent dans les mêmes conditions et continuent à mener une vie basée sur le Mal, sur le Mensonge et sur la Force ! Et nous vivons dans une époque où faire du bien veut dire simplement ne pas faire du mal ! Sont préférables encore ceux qui, trouvant la vie absurde, y renoncent volontairement. Ce sont des êtres forts, supérieurs, car il leur faut une lucidité d’esprit avec une force de volonté consciente. Mais il faut beaucoup plus de force, plus de volonté, plus de courage, pour continuer la vie et tâcher de la transformer, de l’améliorer, de la rendre belle et digne de nos meilleures aspirations.

Et c’est là le mérite, c’est là la gloire de Tolstoï.

En changeant sa propre vie, il prouve la possibilité de transformer la vie, — à condition que tout le monde la transforme. Comme Rousseau, Tolstoï est