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LE MIROIR DES JOURS

Et du sommet de l’arbre éclatant et sonore,
Je voyais la première, au loin, rougir l’aurore.
Je déployais mon ombre étroite sur un nid,
J’étais jeune, et voilà mon beau destin fini !
Où vais-je m’arrêter en proie au vent infâme ?
Ah ! je sens que je tombe ! Ah ! j’ai l’angoisse à l’âme !
Je descends, j’ai frôlé le trottoir inégal,
Je suis perdue !… Adieu, mon bel arbre natal !
Mais le vent me relève et, brusque, me remporte ;
Avant de choir, pourquoi ne suis-je donc pas morte !
Je vole, mais bientôt je m’en irai glissant
Dans la rue, ou sous les pieds distraits du passant !
Si, dans ma course triste à la fantasque allure,
Je pouvais m’accrocher à quelque chevelure !
Si, me voyant frémir de stupeur, une main
Douce me ramassait sur le bord du chemin !
Si je pouvais — mais dans le vent je suis inerte —
Entrer par la fenêtre au soleil tiède ouverte !
Si je pouvais monter, monter jusqu’à l’azur,
Fuir ce vent qui m’entraîne et m’étreint, ce vent dur
Qui me flétrit, me roule au sol, et me secoue,
Hélas ! et qui m’écrase, en sifflant, dans la boue !…