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LUCAIN.


devaient brûler Rome, avec le complice de sa démence, Lentulus, et le furieux Céthégus au bras nu(7). Ô rage digne de pitié ! Quand les destins voulaient te ranger parmi les Métellus et les Camille, te voilà descendu, César, aux Cinna et aux Marius. Mais tu succomberas, comme Lépidus sous les coups de Catulus ; comme Carbon, qui, frappé de la hache du licteur, dort dans sa tombe aux rives de la Sicile ; comme Sertorius qui, dans son exil, souleva le farouche Ibérien. Encore, si je m’en croyais, je ne voudrais pas t’associer même à ces noms, et je rougis que Rome occupe mes mains à dompter un furieux. Plût aux dieux que, survivant à la guerre des Parthes, Crassus fut revenu vainqueur des rivages scythiques ! tu périrais, brigand, sous le même fer que Spartacus ! Mais, puisque les dieux veulent que ton nom se joigne à mes trophées, c’est bien : mon bras est encore capable de brandir le javelot ; un sang jeune encore bouillonne autour de mon cœur brûlant. Tu sauras qu’on peut supporter la paix sans reculer devant le combat. César peut à son aise m’appeler énervé, impotent ; que mon âge ne vous effraie point. Un vieux général commande votre armée, un soldat d’hier commande la sienne. Je suis monté aussi haut qu’un peuple libre peut élever un citoyen, et n’ai laissé rien au-dessus de moi que le trône. Il aspire donc à la tyrannie, celui qui, dans Rome, veut être plus que Pompée. Voici les deux consuls, voici toute une armée de généraux : César sera-t-il vainqueur du sénat ? Non, Fortune, tu n’es pas si aveugle, ou rien ne te ferait rougir. Qui lui donne cette audace ? Est-ce la Gaule tant d’années rebelle, et tant de jours dépensés à la combattre ? Est-ce sa fuite des bords glacés du Rhin ? Est-ce d’avoir tourné le dos aux Bretons qu’il était venu chercher, prenant, dans sa terreur, pour un océan tout entier, le flux d’une vague mobile ? Son cœur s’est-il enflé de vaines menaces, parce qu’à la nouvelle de ses violences, les citoyens en armes ont quitté les dieux de la patrie ? Insensé ! ce n’est pas loi qu’ils fuient ; ils me suivent, moi, qui promenant sur l’océan mes enseignes rayonnantes de gloire, avant que Cynthia eût deux fois achevé sa course, chassai de toutes les mers le pirate épouvanté, qui vint me demander asile dans un coin de la terre. Ce Mithridate indompté, fuyant à travers les marais du Bosphore scythique et retardant les destins de Rome, c’est moi qui, plus heureux que Sylla, l’ai réduit à se donner la mort. Aucune région n’est vide de ma gloire ; tous les climats que le soleil éclaire sont pleins de mes trophées. Le Nord m’a vu triompher près des ondes glacées du Phase. J’ai vu l’axe qui traverse la brûlante Égypte, et Syène où le soleil ne projette point d’ombre. L’Occident tremble devant mes armes, sur ces rivages où l’hespérien Rétis, le plus lointain des fleuves, vient