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LE MAL DES ARDENTS

regarda de nouveau sans embarras, mit sa tête sur le sein de Bernard et elle songeait : « Je me sens pure comme jamais je ne l’ai été. Je ne fais pas le mal. J’aime bien ce bon François. Je vais bien souffrir, mais j’oublierai peu à peu avec ce petit qui va venir. » Pensées élémentaires, simples, échappant à tous les méandres d’où naissent et foisonnent les plus incurables regrets.

Abraham contemplait et s’expliquait : « Comme le Père, se disait-il, a bien compris tout cela ! Comme il a su éviter à cette enfant le désespoir, le plus grand péché contre la divinité. Et moi qui ai failli tout briser ! Peut-être aurais-je engendré le péché, le scandale et le suicide. Voilà une âme qui sans doute souffrira plus qu’elle ne pense de l’amour perdu, du déshonneur et du remords. Mais elle est sauvée. »

— « Comment appelleras-tu cet enfant ? demanda Bernard.

— J’y ai bien pensé, répondit-elle, je voudrais lui donner un nom qui pût symboliser la paix intérieure que je n’ai pas connue et que tu ignores ; et qui viendra par lui, j’espère… Olivier est un beau nom.

— Oui, Olivier, dit Bernard songeur. Et si c’était une fille ?

Il était déjà père, c’est-à-dire enfant ; il était tout prêt à se charger des courses dans les magasins, de l’achat du berceau, de la recherche des nourrices. L’orgueil spécial du chef de la race l’illuminait. Les yeux levés vers lui, avec cette expression d’adoration émouvante qu’il aimait,