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LE FINANCIER RABEVEL

Les Conseillers déjeunaient par groupes sympathiques dans la même grande salle à manger qu’eux-mêmes. Mr. Georges revint aussitôt ; il remit le papier à Bernard ; celui-ci se reporta immédiatement au texte annexé du projet de contrat qui venait d’être approuvé et le fut à mi-voix, le discutant avec son directeur : « Évidemment, conclurent-ils, ce marché est extrêmement avantageux pour nos concurrents ; ils l’ont bien travaillé, les fripons ! » Ils examinèrent la carte qui montrait les concessions. « Nous sommes presque partout encerclés. Il va falloir se tirer de là ». Il sifflota un air de chasse, le front barré tout de même. « C’est égal, dit-il, comment avec leurs ennuis chez Bordes ont-ils pu distraire trois cent mille francs comme cela… Tiens, ajouta-t-il au bout d’un instant, ils ont payé en titres de Rente ; je n’avais pas remarqué le détail à la lecture. » Il parlait maintenant assez fort. À la table voisine, les Conseillers se tournaient, guettant curieusement la réaction du vaincu de la journée : « Oui, reprit-il toujours à voix haute, comment ces gens-là ont-ils pu, malgré toutes leurs difficultés, trouver trois cent mille francs ? À moins que les titres n’appartiennent à des déposants ?… Ce serait rigolo qu’un de ceux-ci y trouvât le numéro de quelques-uns de ses titres, hein ? » Il lut machinalement quelques-uns de ces numéros, et, tout d’un coup s’écria : « Je ne me trompe pas ? Ah ! par exemple… par exemple… » Il tira son calepin, répéta : … « Par exemple… par exemple… » Il donnait les signes de l’émotion la plus violente. Les